Nationalpark Bike Marathon 2014

En voilà une belle course, une organisation en béton, des gens souriants et attentionnés, et ceci dans une région superbe.

Prologue

Le Bike Marathon, une épreuve que j’avais dans le collimateur depuis de nombreuses années. Mais comme cette course est placée juste après le Grand Raid dans le calendrier, et que celui-ci fut ma priorité pendant longtemps, cela ne s’est jamais concrétisé.

Je m’étais inscrit au départ de Livigno en 2013, mais n’avais pas pris le départ à cause de soucis de dos. Cela ne fut que partie remise, 2014 sera la bonne !

Information préalable importante : Après avoir lu attentivement tout ceci, http://www.vo2cycling.fr/forum/crs-cyclos-balades-courses/73810-marathon-de-l-engadine-scuol (Un grand merci aux divers intervenants), j’ai jugé plus prudent d’aller faire une reconnaissance du parcours au début du mois d’aout.

Mais quel beau parcours dans un cadre fabuleux !

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(Toutes les photos proviennent soit de Sportograf, soit de mes reconnaissances)

C’est très roulant, heureusement vu le kilométrage, avec partout des portions que je trouve géniales, et pas de passages techniques bouchontogènes (bouchontogène : néologisme cricriesquien, signifiant : qui provoquera à coup sûr des bouchons sur une course avec autant de monde d’un niveau technique aussi disparate. Exemple : La traversée de Mandelon est bouchontogène).

Depuis 2009, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de la question concernant les marathons VTT, mais après vision locale de ce tracé, j’ai finalement décidé de m’inscrire sur la boucle complète, 137 km et 4000 m d+.

Arrivée sur place le jeudi en début de soirée et dormi 10 heures comme le bienheureux que je suis. Le lendemain, visite de Scuol, superbe avec ses vieilles maisons typiques, puis prise du dossard, avec tous les sourires des bénévoles (au féminin, les bénévoles…) Une affaire rondement menée, pas d’attente, c’est carré mais avec décontraction, on perçoit tout de suite l’expérience.

Séance d’information : La météo annoncée est à l’image de cet été, pluies éparses sur tout le parcours, après-midi meilleur, départ au sec, et limite de la neige vers 3000 m. Donc à priori pas de soucis pour les 2600 m de la Cicciolina  du Chaschauna. La pluie n’est pas un souci pour moi, car j’avais constaté pendant les recos que le terrain est assez drainant dans l’ensemble et les passages vraiment boueux quasi inexistants.

En sortant du briefing de 20h, on se ramasse une de ces averses : ben ça promet !

Départ

Samedi matin, température douce, pas de pluie, ouf, et chauchée chesse, sauchée chèche, zut, route pas mouillée. Centre-ville, 7h15, le départ se fait théoriquement par bloc, mais je n’ai vu aucun contrôle. Je me place presque tout derrière, relax, les puls à 75. Rien à voir avec la semaine dernière à Evolène.

Ambiance décontractée avec les autres concurrents, assis sur les trottoirs ou discutant le bout de gras, dans toutes les langues. Et échauffement néant !

Ah, je crois bien que c’est parti, là-bas devant. Bon, rangement du K-way et en selle. Le départ se fait sous conduite, depuis le centre-ville, avec une descente jusqu’au pont. Tout le monde est prudent, et déjà de bonnes odeurs de freins. Devant, on n’aperçoit même pas la tête du peloton dans la remontée en face. Traversée du pont où se trouve le tapis de chronométrage : top chrono, cette fois, c’est parti, mon Cricri !

Costainas

Sur les premiers kilomètres, sur goudron avec des épingles, je monte progressivement les puls, en essayant de ne pas dépasser les 160. Je m’efforce de plutôt mouliner, pour garder du jus le plus longtemps possible. Ça se décante, en encore plus dans les petites descentes à l’entrée du val S-charl. Puis des replats très roulants, où se forment de petits groupes pour tirer des relais.

Traversée du hameau de S-charl, joli comme tout.

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Ici, comme dans toute la région, les restaurants et buvettes rivalisent d’équipements et d’enseignes pour inciter les mountainbikers à s’arrêter et boire un verre. Ben la prochaine fois, n’est-ce pas ?

Il commence à pleuvoir. Ce qui donne le ton de toute la matinée : pluie intermittente sur les 100 premiers km.

A Alp Astras 2135m après environ 1h20, premier single de la journée. Vu la météo et le monde devant, le premier bout plus raide est assez boueux. Aucune hésitation, je pose le pied tout de suite et franchis les 100 premiers mètres à pedibus.

La pluie a cessé, et le sentier reste très roulable, malgré quelques flaques, racines et cailloux glissants. Rien à voir avec Mandelon.

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Mon estomac commence à se manifester. Faut que je mange, et le col est encore à plus de cinq minutes. Ca va être long aujourd’hui, alors coup de fringale formellement interdit. Pour ne pas risquer une bête gamelle sur ce single en fouillant mes poches avec les gants longs et le gilet, je m’arrête. Un demi-Biberli, miam, et coup d’œil au paysage. C’est vraiment beau par ici, température douce, la nature sauvage, avec ces nuages bas accrochés aux flancs de la vallée, je me sens dans mon élément. Et la forme est là. Vraiment ça va être génial, aujourd’hui ! Qu’est-ce que j’ai bien fait de venir ! Allez, moteur !

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Sommet du col Costainas, 2251m, et encore un single dans la descente, puis un passage plus raide, où quelques néanderthaliens se permettent de prendre de gros risques au milieu des autres concurrents.

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Premier ravitaillement officiel, où on distribue des gourdes.

Il recommence à pleuvoir, et pour de bon cette fois.

Puis descente sur route forestière ultra-rapide sur Tschierv, où je redouble tous les australopithèques précédemment évoqués : suis-je donc également un décérébré du bulbe? Et tout ça avec un bout sur goudron : en moins d’une minute, mes chaussettes sont trempées.

Tchierv, 2 heures de course déjà, premier point de rendez-vous avec ma ravitailleuse préférée. Qui ne me fait pas la bise, vu que mon visage (et le reste) est repeint de projections. Un coup de graisse à chaine, et gaz direction Fuldera et le départ du col suivant.

Dös Radond et le Val Mora

Après Fuldera, 600 m d+, jusqu’à Dös Radond, en montant par étapes. Je garde mes puls vers 155-160. Cricri, pense à économiser tes forces, à mouliner, pense aux 45 derniers km, pense à boire et manger régulièrement. Et surtout, pense à la Cicciolina Chaschauna (Si je tenais celui qui a évoqué la Cicciolina au lieu du Chaschauna… je n’arrive plus à m’en débarrasser, tcheu !)

Et c’est beau, par ici. En fait tout le passage entre Fuldera et Livigno, soit 35 km, vaut à lui seul le déplacement. Fin de la montée avec un long faux plat, ravito-changement de bidon, et gaz dans le Val Mora. Grandiose ! Très rapide, sur route d’alpage au début.

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Puis un bout un peu plus technique. Faire gaffe, aujourd’hui les ornières sont bien glissantes, les samaritains ont de quoi s’occuper : en 10 minutes, j’ai vu au moins 4 gars allongés sous des couvertures de survie.

Le dernier tiers de la descente, c’est un single bien sympa, pas technique, mais avec quelques petites bosses à arracher. Selon moi, un must !

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photo0100Arrive la frontière italienne, puis le Lago di San Giacomo di Fraéle, avec ses eaux turquoises et ses places de pique-nique. Et c’est beau !

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Alpisella

Remontée suivante de 340 m d+ dans le val Alpisella, toujours en gérant en prévision de la suite. Et ici aussi c’est beau ! Un long faux plat pour terminer.

J’ai froid aux pieds depuis 2 heures au moins, et depuis Fuldera jusqu’à S-chanf, 4 heures plus tard, on ne redescend pas en dessous de 1800 m. Donc a priori, je ne vais pas me réchauffer les petons de sitôt. A moins que la Cicciolina… ?

Allez, une bonne averse pour la descente, super, au moins les freins ne chauffent pas trop. Encore une descente très rapide, sur une sorte de sentier muletier amélioré de 2 m de large. Gaz, mais vu les vitesses atteintes et l’environnement, il faut rester très vigilant. Je me ramasse un max de projections sur les lunettes, que j’essaie acrobatiquement d’essuyer régulièrement. Franchissement d’un pont si étroit qu’il faut lever le vélo à la verticale pour passer entre les rambardes. Encore quelques épingles, et voilà le lac de Livigno, avec quelques rares promeneurs. Bord du lac, tout seul, comme toute la descente depuis le col en fait.

Livigno. Ravito : changement de bidon, mais je ne m’attarde pas car le speaker décrit au micro tous mes faits et gestes, en italien et en allemand. Et vu le volume sonore des haut-parleurs, tout le monde est au courant loin à la ronde : Cricri contrôle son pneu, Cricri regarde sa chaîne, Cricri boit du Sponser Long Energy, Cricri mord dans un quartier d’orange, Cricri mange un morceau de tarte Leisi. Bravo Cricri ! Forza Cricri, dai dai dai !

Tcheu, ma timidité légendaire en prend pour son grade, là. Vite loin d’ici. Et heureusement que je ne me suis pas gratté les roubiiiiiiiip ! Quoique, j’aurais au moins appris comment ça se dit en italien… Ou comment se cultiver en pratiquant du sport !

Chaschauna

Ma ravitailleuse m’attend à la sortie du bled. Coup de graisse à chaine, j’avale un gel et en embarque un de plus, que je glisse dans la jambe du cuissard. Faudrait que je fasse l’inventaire de mes poches, à l’occasion.

Fini de rigoler. C’est maintenant qu’arrive le moment de vérité, celui qui va révéler si la gestion de l’effort a été bonne. Car à partir d’ici qu’on peut gagner ou perdre énormément de temps. On attaque la montée du juge de paix de cette course : le Pass Chaschauna.

(Et donc aussi mondialement connu sous le sobriquet de « la Cicciolina »)

Que n’avais-je pas lu et entendu au sujet de ce col. C’est pourquoi j’avais jugé nécessaire d’aller en faire la reconnaissance. Alors, aujourd’hui, je sais exactement à quoi m’attendre.

Les 200 premiers m d+ en sortant de Livigno sont encore « humains », avec un ou deux raidards de quelques secondes. Puis suit un faux plat. J’en profite pour prendre le gel dans mon cuissard, et de boire encore un coup.

Car là, en tournant et levant la tête vers la droite, oh là là, mais c’est là que ça monte ? Mais oui !

640 m d+ sur 3.8 km, 18 épingles. A ceux qui ne sont jamais venu ici, et qui pensent savoir ce que c’est une PENTE, et bien oubliez toutes vos repères. LA pente, la vraie, celle de référence, c’est celle-ci. Et toutes les autres ne sont que d’aimables plaisanteries.

Le pourcentage n’y est pourtant pas régulier. Il y a en fait trois parties hyper raides, une directement au début, pour se mettre dans l’ambiance d’entrée, une vers le milieu pour bien casser le moral et les jambes, et une un peu avant la cabane, pour achever ceux qui bougeraient encore.

Et ensuite, cerise sur le gâteau, il y a encore un portage d’environ 100 m d+, mais qui serait roulable à condition de se faire greffer deux poumons supplémentaires. Et l’on aperçoit le sommet que quelques secondes avant d’y parvenir. Donc mentalement très difficile.

J’attaque donc le Chaschauna directement… à pied, comme tout le monde (à ce niveau, personne ne tente sur le vélo). Dans ce premier bout hyper raide, j’applique la même méthode qu’au Pas de Lona la semaine précédente : de grandes enjambées, tout en force. Grâce à ma taille, à chaque pas, ce sont 30 cm de gagné sur les autres piétons. Et en plus, comme prévu, ça réchauffe les éponges qui me servent de pieds.

Après 100 m et le virage, je remonte sur le vélo. Ce n’est pas que ça va beaucoup plus vite, mais c’est surtout pour casser le moral des autres concurrents. Pas sympa le Cricri, hein ? Mais c’est une course, pas une journée caritative, tcheu !

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Même dans ce passage moins raide, il serait suicidaire de vouloir prendre les virages à la corde. Je suis à la limite du délestage de la roue avant, en faisant du bec de selle. Mes puls, 155 à 160, mais pas moyen d’aller plus vite.

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Il y a une concurrente qui est remontée à ma hauteur. Sa plaque numéro mentionne son prénom : Imogen. Ben ce n’est pas courant, ça, je me demande bien d’où elle vient ?

Imogen et moi arrivons dans le deuxième passage très raide, je pose le pied tout de suite à la sortie de l’épingle. Et j’entends derrière moi Imogen articuler quelque chose que je n’ai pas compris, mais qui doit vouloir dire (sur un ton plein de lassitude et de désespoir): « Sacrebleu, mais quelle interminable dérupe pour le moins escarpée se présente soudainement à mes yeux incrédules !»

Imogen déclipse in extremis et s’accroche à mes basques.

Je vois (et j’entends) bien qu’elle est à la limite. Mais pas moyen de m’en débarrasser, même en allongeant mes pas au maximum. C’est alors qu’une autre concurrente féminine nous double, assise sur le vélo. Toute petite, très affûtée, 45 kg à tout casser, une puce. En nous doublant, le petit coup d’œil à sa rivale… Et elle continue. Aussi loin que j’ai pu voir, la Puce a tout monté sur le vélo. Quand elle a vu ça, Imogen s’est complètement effondrée. Et je ne l’ai plus revue de toute la course.

Ravito de la cabane, je m’enfile un gel en vitesse, puis un demi-Biberli, que je n’arrive pas à avaler. J’attaque le portage final avec la bouche pleine, prêt à avaler tout ça dès le début de la descente. Sommet, enfin ! Content, le Cricri ! J’ai pu remonter pas mal de monde, avec l’impression d’avoir encore la forme, il ne pleut pas et le moral est au top.

Le col marque la frontière, et donc retour en Suisse.

Début de la descente, sur un single très raide avec des épingles serrées. Heureusement pas boueux. sportograf-53660153Oups, j’ai parlé trop vite, voilà des passages très délicats, le sentier est bien raviné par endroits, avec des cailloux glissants et des ornières. Tout est méconnaissable par rapport à ma reconnaissance un mois plus tôt. Je me fais quelques bonnes chaleurs, en me rattrapant in extremis en m’appuyant sur le talus. A de nombreuses reprises je dois poser le pied, et même descendre des bouts à pied. Je suis sur un faux rythme et je subis plus qu’autre chose. Des concurrents me doublent, zut !

En bas dans le vallon, ce n’est pas mieux : les vaches, la pluie de cet été et tous les autres participants déjà passés ont transformé la suite en patinoire boueuse striée d’ornières : bien casse-gueule, tout ça ! Aïe aïe aïe, je suis en train de perdre beaucoup de temps par rapport à ma reconnaissance.

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 Alp Chaschauna, ravito-changement de bidon express, car je pense sauter le ravito suivant situé à la fin de la descente.

Il se remet à pleuvoir, ça faisait longtemps. GAZ sur une route d’alpage très rapide, avec les projections plein la figure et les lunettes. Puis passage moins rapide sur un large chemin forestier assez glissant. Au loin, j’aperçois par moment un autre concurrent, mais pas moyen de revenir sans prendre de gros risques : je préfère jouer la sécurité.

C’est long, tout ce passage. Du coin de l’œil, je vois que l’on va bientôt déboucher sur la vallée principale de l’Engadine. Et comme à partir de là, ça devient très roulant, ce serait donc mieux de ne pas y arriver tout seul. Avant la fin de cette descente, faut que je tente le tout pour le tout.

Et au prix d’un lâcher de frein de folie dans le dernier km, j’arrive à recoller tout un groupe juste avant le plat.

Le final

S-chanf, plus que 45 km, 1000 m d+ et 2 heures de course.

Les gars que je viens de rattraper portent des dossards verts. Zut ! Donc des lopettes du petit parcours de Fuldera (100 km quand même…) Je suis bien plus rapide qu’eux, puisque je leur ai déjà repris deux heures. Et en plus, pas un ne veut rouler. Et tout ce beau monde s’arrête au ravito, où il y a déjà pas mal de gens. Comme je viens de prendre un bidon à Alp Chaschauna, je ne m’arrête pas. Bon, ben j’ai plus qu’à gazer tout seul comme une âme en peine.

S’ensuit des km de routes forestières très roulantes, mais avec tout le long des petites remontées. Dont la répétition use le bonhomme à la longue. La fatigue commence à bien se faire sentir. Serre les dents, mon petit ! Et tout ça avec un max de projections de boue dans la tronche dans les parties rapides en faux-plat descendant. Ma transmission apprécie moyennement, le passage des plateaux se fait de plus en plus difficilement.

Pas moyen de s’entendre avec les rares concurrents du grand parcours que je rattrape : ils sont cuits !

Zernez, dernier point de rendez-vous avec ma ravitailleuse. Encore un coup de graisse pour dégripper la chaine et une rasade de Coca pour booster le héros. Et encore une bonne grimpette, ça devient dur !

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Ravito officiel-bidon en vitesse, et dans le bout suivant, qui voilà ? La Puce ! Je la double en lui faisant signe de s’accrocher. Mais dans ces plats, je suis trop rapide pour elle et son gabarit de crevette. Tant pis, seul j’étais, seul je suis et seul je serai !

Passage dans Susch : Wooosh, à toute vitesse ! Dommage, joli village aux rues pavées et magnifiques maisons.

Vite encore un gel, car arrive la bosse de Lavin, celle de la mort qui tue : 300 m d+ jusqu’à Guarda.

Depuis Zernez, le sol est sec, et la boue sur les lunettes a durci. Je n’y vois pas grand-chose, et depuis un moment ça m’énerve. Ras-le-bol : je m’arrête à la fontaine au centre de Lavin. Je frotte mes verres avec mes gants, mais ceux –ci sont imprégnés de boue, meeeeee….de, c’est encore pire ! Je trempe donc les gants dans l’eau pour les nettoyer un minimum, pour pouvoir essuyer les lunettes ensuite. Tcheu, je perds du temps, là, ça me pompe, et j’ai l’impression que pas mal de monde me redouble, ZUT ! Mon erreur : j’aurais dû profiter de ma ravitailleuse à Zernez pour changer les gants et les lunettes.

Prochain objectif, Guarda : dur dur. En plein soleil, ça doit être l’enfer, par ici. Et soudain, je m’aperçois que devant, il y a la Puce. Tcheu, elle m’est repassée devant ! Je l’ai en point de mire un bon moment, mais pas moyen de revenir. Au contraire, elle s’éloigne inexorablement, et je la perds de vue pour de bon. Je suis cuit.

Traversée interminable en montée de Guarda, encore un village joli comme tout, et pas mal de gens qui ne s’économisent pas pour encourager même les poireaux de mon espèce à grand renfort de cloches. Merci tout le monde !

Et encore des bosses, encore des plats, encore des descentes. De quoi péter les plombs si je n’avais pas fait de reconnaissance. Si je tenais ceux qui prétendent que la fin du parcours est facile…sportograf-53643089

La lassitude me gagne, et mon rythme ralentit de plus en plus.

Mais heureusement, Janett est arrivé, tatataaaaaaa !

Janett

Dans la bosse avec la ruine au sommet (la ruine Chanoua), un groupe de lopettes de Fuldera occupe toute la largeur de la route. Pour me frayer un passage, je demande « Links, left, a sinistra, à gauche ! » Et à peine passé, une voix derrière me lance un « Hep !». Et un gars entame mon dépassement. Vite un coup d’œil : plaque orange, un grand parcours ! Et juste le temps de lire son prénom : Janett. Pas courant non plus ça, et vu son maillot, c’est un autochtone.

Nos regards se croisent…

Janett ne prononce pas un mot, mais son regard dit tout : t’es cuit, toi, et je vais te poser !

Mais tu m’provoques? C’est à moi que tu parles ?

(Toute analogie avec ceci ne serait absolument pas fortuite) :

(Note de l’auteur : arriver à placer de Niro dans une course VTT, vraiment trop fort, le Cricri !)

(Note de la correctrice : hé le modeste, t’as fumé la moquette?)

Où en-étions-nous ? Ah oui !

Mais mon gars, ça ne va pas se passer comme ça. On ne va pas tourner un remake Imogen déposée par La Puce 2! Car moi, je ne m’appelle pas Imogen. Moi, c’est Cricri, le fils spirituel de de Niro ! Et t’as vu qu’à la fin, de Niro, il sort son flingue ?

Flinguer, oui, mais encore faut-il avoir de la munition. Je suis cuit, mais examinons quand même ce qu’il me reste en stock : deux ou trois watts par ici, 10 ou 15 grammes de glycogène par là. Ouais, pas terrible, mais ça devrait quand même le faire.

Ma décision est prise : il est EXCLU que je finisse derrière ce gars !

Du coup, je suis tout réveillé !

Bien entendu, pendant que je faisais l’inventaire et que je me remotive, Janett ne m’a pas attendu, le rascal !

Le voilà qui disparait dans la descente, une petite vingtaine de secondes devant moi.

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Je donne tout ce que j’ai sur le dernier bout de montée et lance la descente quasi au sprint.

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Grâce à ma reco, je sais que tout passe presque sans freiner. Quelques secondes de pure folie, et je déboule à toute berzingue sur la large route qui mène à Ftan. Virage à droite en trajectant à mort, et ma victime est en vue.

Comme j’ai pu emmener un max de vitesse, je déboule sur lui avec 10 km/h de mieux.

Maintenant, faut la jouer fine pour pas qu’il me suce la roue sur les 2 km de plat qui suivent. Parce que si c’est le cas, je l’ai dans le baba. Et je n’ai aucune envie de me faire déposer dans les dernières bosses.

Je continue sur ma lancée en appuyant fort, et au moment où je double Janett, je lui lance « Viens, prends ma roue ». Et comme j’ai bien quelques km/h de plus que lui, il est obligé de fournir un gros effort pour accélérer et me recoller. Le voilà installé dans ma roue arrière. Pour qu’il ne puisse pas récupérer, j’envoie toute la sauce pendant 30 bonnes secondes. Lui derrière doit tirer la langue (moi aussi !). Alors je m’écarte en lui faisant signe de rouler. « Bien joué, qu’il me dit, faut qu’on se relaie, et il ne reste que deux bosses ! » Hé hé hé, merci mon gars, mais je suis au courant. Je me colle derrière lui, pour souffler un coup et faire redescendre la moindre mes puls.

Devant, Janett donne le maximum, le brave garçon ! Au moment où je sens qu’il est en train de faiblir, je me déporte d’un coup tout à gauche de la chaussée. Et j’appuie à fond en danseuse. Comme Janett, tout surpris, tourne la tête vers moi, je n’oublie pas de le regarder droit dans les yeux. Ciao Janett, merci pour tout, tu peux retourner pleurer chez ta maman, on se reverra après l’arrivée! Et gaz à fond, nez dans la potence.

Petite descente à fond la caisse, en bas virage quasi sans freiner et bosse de 1 minute, tout sur la plaque. J’y double un groupe d’attardés de Fuldera, puis encore un autre, tout à l’arrache. Un replat, ouf, courte descente, puis encore une bosse, à l’agonie! Coup d’œil derrière, personne.

Et enfin la plongée vers l’arrivée. Route agricole sans difficultés, faut juste pas se louper dans les virages et les freinages. Traversée de Scuol de haut en bas à une vitesse supersonique, en doublant encore un dossard orange. Le pont, ligne droite, et l’arrivée !

Heureux ! Et quel finish !

Epilogue

Sur le final, j’ai collé 45 secondes à Janett.

Et je termine sur les talons de la Puce.

Mais comme le temps final dépend du déclenchement personnalisé du chronomètre au départ, la Puce se retrouve derrière pour 2 secondes. Et Janett à 2 minutes.

J’ai l’impression d’avoir assez bien géré l’effort, et je ne vois pas comment ni où j’aurais pu gagner beaucoup de temps, avec ces conditions météo.

8h23 et 49 sec, au milieu du classement scratch. Les années passent, l’âge avance, mais pour l’instant, j’arrive plus ou moins à maintenir l’écart en % avec le vainqueur. Donc assez content de moi ! Et dès l’an prochain, je passe chez les vieux, avec un bond en avant au niveau classement de la catégorie. Excellent pour mon égo !
Ma grande satisfaction : un bon Chaschauna, avec un bonne remontée au classement (mais pas terrible, la descente…). Et bien aussi, dans le dernier quart d’heure, pouvoir finir très fort.

Les courses marathons, ces longues chevauchées, sont à chaque fois des aventures. Ce que j’avais un peu oublié ces dernières années. Je reviendrai.

Merci à ma ravitailleuse.

Merci à tous ceux qui donnent de leur temps au service de cette course et de ses participants.

PS : Janett, sans rancune, hein…

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